CATALOGUE - Rencontres Internationales Traverse, Art expérimental, INSTALLATIONS Cinémathèque de Toulouse, 2023
Rrose Present, Ré-interprétation de Toute la mémoire du monde de Alain Resnais (Espagne)
boucle sur écran | 3min30
Toute la mémoire du monde figure comme le monument parmi les documentaires puisqu’il portraiture en abyme, en mouvement et en acte la Bibliothèque Nationale de Paris, du nom même du monument historique protégeant les livres ou ainsi que Resnais l’intitula, Toute la mémoire du monde.
La confiance se fondait sur les textes, les écrits. Le réalisateur l’investit des sous-sols aux étages, sans oubli des métiers afférents, des employés de la manutention aux bibliothécaires et aux lecteurs. De longs travellings disent les dimensions des lieux et le travail nécessaire pour transporter, emmagasiner, inscrire et cataloguer les livres afin qu’ils soient empruntés. La plongée extérieure et les mouvements caméra dessinent l’architecture alors qu’en filage se reconnaissent les auteurs clefs nationaux.
Ré-interprétation de Toute la mémoire du monde de Alain Resnais, cela en accéléré affirme le projet, l’assume. La visite de ce haut lieu du cinéma et de la culture les reprend en déformant l’image positive. Parfois en saccades, l’inversion s’opère sur les éléments en surlignement lumineux et les silhouettes jusqu’à l’intrusion de flashs de couleurs. Ceux-ci se multiplient jusqu’à l’envahissement en carrés agrandis des pixels avant le fondu au noir final qui annule le lieu de la mémoire, en métaphore de la menace que le monde fait désormais supporter du savoir, puisque la formation de soi par les livres et la pensée demandant du temps de réflexion est remplacée par du rapide « clicage » sur encyclopédie numérique.
Des inscriptions de titrage de journaux comme Le Monde et un actuel « Qu’est-ce qui se passe ? » entraînent vers l’actualité de 2015 – dans notre mémoire, toujours consciente, du moins en France – et les attentats terroristes du Bataclan aussitôt lancés par Internet ; elle y inclut les bombardements en Syrie qui les suivirent.
Au-delà de l’atrocité des faits, elle inscrit en film, sur ce film de conservation des livres et de transmission du savoir réclamant du temps, la discordance d’avec la dispersion des nouvelles lancées à travers le monde avant toute analyse et certes sans catalogage.
Rrose Present compose le Tombeau de la bibliothèque, monument emblématique et du savoir.
Simone Dompeyre
Rrose Present, Horizon of Meaning (Espagne)
boucle sur écran | 4min36
Horizon of Meaning, titre doublé puisque le film double un premier essai concernant la pensée, les manières de pensée, son « Penser avec les mains » en acceptant l’invitation de Dan Barnett de travailler les traces de son dernier film.
Une main, puis deux tend/ent un fil vibrant toujours à l’horizontale avant que le hors-champ découvre de l’autre côté, deux autres mains avec montre au poignet, qui, elles aussi, tirent jusqu’à attirer la prise de ce fil électrique. Le mouvement, les mains, la prise se doublent, se superposent en écho à cette métaphore de la pensée en acte.
Simone Dompeyre
L’artiste en raconte la généalogie : « Un jour, que quelqu’un avait mis beaucoup de likes sur mon travail sur Vimeo, j’ai été heureuse de savoir qu’il s’agissait de l’auteur de l’excellent livre Movement is Meaning in Experimental Cinema.
Dan ou Daniel Barnett, cinéaste américain reconnu et écrivain formé à la philosophie, s’intéresse pour une grande part de son travail aux questions sur le langage. Avec mes remerciements, a commencé un dialogue qui a abouti à cette proposition de Barnett : “J’ai un nouveau film Science Without Substance, d’une durée de 90 minutes dont je peux vous envoyer le lien mais à certaines conditions :
1. Il doit être regardé plein écran ;
2. Vous devez le regarder du début à la fin quel que soit votre ennui ;
3. Vous devez en écrire un commentaire d’au moins 300 mots.
Si vous acceptez ces conditions, je vous enverrais le lien de Science Without Substance”.
Lorsque j’ai vu ce film pour la première fois, ma tête a explosé de mille questions. J’ai donc décidé d’y répondre par des images “pour dire tout ce qui ne peut pas être dit avec des mots”.
Expérience dialogique que j’avais déjà réalisée dans le projet Penser avec les mains, Diccionario privado de praxis crítica de Conceptos de filosofía del arte y estética/Dictionnaire privé de praxis critique de Concepts de philosophie de l’art et d’esthétique, 2009-2011, où – avec ironie – j’entends substituer aux mots, des phrases lapidaires, de la philosophie de l’art, des métaphores visuelles. Dans l’une de ces pièces Horizonte de sentido, je travaillais sur les interprétations des œuvres d’art, qui, bien que leur sens littéral – perdu dans le temps – ne nous fût plus accessible, étaient ressenties comme cet « horizon de sens ». Et c’est cette intuition qui a éclairé ce mouvement dialogique avec Science Without Substance/Science sans substance.
Travailler dans le temps éclairé m’a permis d’avancer dans ma compréhension sur ce que pensent leurs images heuristiques, des pensées auxquelles les mots seuls n’ont pas accès.
Mes images ont été montées avec des images transparentes issues du re‑filmage et compressées du film Science Without Substance par Dan Barnett alors que le son est le montage de celui direct du tournage de Horizonte de sentido et de la compression temporelle du son de Science Without Substance. »